einstein chronique didier US open

« Chip & putt = mc2 »


Question relativité je suis plutôt “relativement” nul en maths. Et pourtant je connais assez bien mon arithmétique golfique. Le genre 2+2=4. Drive, approche, deux putts… par. Ça c’est la théorie !

Cet US Open 2018 à Shinnecock Hills a été comme à l’accoutumée source de critiques et de désillusions de la part des nombreux joueurs et d’une partie des spectateurs. Les greens étaient “injouables” selon la plupart des joueurs. C’est la marque de fabrique de ce tournoi majeur : roughs terribles, fairways étroits, greens super rapides. Personnellement je l’ai franchement apprécié cet US Open. Du grand spectacle. Non pas du fait d’une cruauté de gros frustré qui souhaiterait ressentir du réconfort en voyant tant des grands champions aller au tapis et ne pas passer le cut. Mais bien parce qu’une fois l’an c’est appréciable de voir un spectacle différent plutôt que les habituels tournois du PGA qui se terminent avec un vainqueur à -25. Voir chaque week-end ces tournois se gagner avec des drives de 320 mètres suivis d’un coup de 52° du petit rough à 130mètres du green et finalement suivi d’un putt rentré à 5 mètres, c’est admirable, mais en fait un peu toujours pareil. Un peu, toutes proportions gardées, le pitch en putt des artistes. J’aime quand je sens les pros avoir les paumes des mains un peu moites sur le grip de leurs wedges et de leur putter.

Il faut bien avouer que lorsque j’ai vu Tiger jouer le 1 lors du premier tour jeudi dernier, après une mise en jeu splendide, un coup de fer digne d’un jeu vidéo… lorsque j’ai vu sa balle atterrir si près du drapeau… puis rouler un petit peu sans trop accrocher le gazon… puis rouler encore… puis dévaler la pente derrière le green… et le voir ressortir avec un triple, je me suis dit que les esprits allaient vite être dans le rouge. J’ai eu mal pour lui. Je l’admire tant. À l’image de Mickelson qui a complètement pété les plombs et couru après sa balle après une mini putt raté, pour la jouer alors qu’elle était encore en mouvement afin qu’elle n’aille pas rouler hors du green dans une zone qui aurait pu lui coûter bien plus cher.

Action de jeu totalement interdite par les règles. Il n’a pris que deux points de pénalité alors qu’il aurait du être disqualifié. (Mickelson l’a admis et s’en est excusé deux jours plus tard). Mais son geste un peu fou révèle assez bien qu’une fois sortis de leur zones de confort les champions sont des golfeurs comme les autres. Et parfois même ils peuvent devenir des enfants gâtés n’admettant pas trop la cruauté du jeu. Car oui parfois le golf peut rendre vraiment chèvre. Nous les amateurs nous connaissons cela si bien. Ce jeu peut humilier n’importe qui. Nous y avons une certaine habitude il me semble.

Le tournoi se gagne à +1 ! Certains illustres champions n’ayant pas passé le cut comme donc Tiger, McIlroy, Spieth sont repartis chez eux avec des valises bien bien pleines en bogeys, doubles, triples voire quadruples. Lourdes ! Est-ce que le parcours était pour autant si injuste ? Il y a bien eu Dustin Johson qui pendant deux tours a survolé les débats offrant un golf de très très haute tenue. Impressionnant ! Il y a eu de nombreux joueurs réalisant des tours sous le par avec brio à l’image de Tommy Fleetwood (Quel admirable joueur régulier au plus haut niveau quand même !) qui a joué un 66 et 63 (par 70). Et enfin il y a un vainqueur, au charisme de chou-fleur stéroïdé, mais passé maître dans l’art de manier les wedges et le putter, en plus de son grand jeu qui n’a rien à envier aux tous meilleurs mondiaux dans ce domaine : Koepka. Bravo à lui. Même si je pense qu’il est vainqueur par défaut. Il a scoré relativement moyennement quand d’autres ont joué bien plus brillamment mais ont aussi peut-être perdu une sagesse de circonstance à des moments clés, la mauvaise arithmétique, sujet de cet article. Ce qui leur coûte le tournoi et le titre. Est-ce qu’attaquer les drapeaux d’une façon si agressive en permanence était la vraie bonne stratégie ? Je ne suis pas assez compétent pour y répondre ici néanmoins cela me fait penser que souvent nous périssons par l’ego… et les putts avant tout. Nous les espérons faciles et nous compliquons la tâche en cherchant à les vaincre grâce au 2+2=4 des pros.

Je n’ai pas une admiration absolument inconditionnelle pour les très longs drivers. (Même si je mesure évidemment combien c’est un art de savoir et pouvoir le faire ! Je trouve les concours de long drive absolument ridicules, mais chacun son fun !) Oui bien entendu c’est souvent très impressionnant et utile. Néanmoins j’ai comme une “religion” pour les Maîtres du petit jeu. Ceux qui savent planter les banderilles à coups de wedges et de putters. Comme Tiger en 2005 à Augusta, avec ce chip de folie au 16. Un des plus grands moments de golf.

Ou son putt en 2001 au Players sur le green du 17 du TPC Sawgrass.

Ce moment de pur magie. Divin ! J’en ai des frissons. Que dire de la victoire de Larry Mize en play-off au 11 du Masters en 87, avec ce chip de légende. Lorsqu’il tue Norman. (Ballesteros ayant été sorti au 10) Et le public qui voulait tant une victoire de Greg Norman. Mais voilà !

“Larry Mize m’a tuer !” aurait pu dire le Shark comme l’écrivait avec son sang je ne sais plus qu’elle victime à propos d’un soi-disant assassin, Omar. Et que dire des tournois qui se sont perdus du fait de ces petits putts de moins d’un mètre ? Comme Scott Hoch qui offre le Masters à Nick Faldo en 89 lors du play-off. 50 centimètres. Raté ! Alors qu’il pouvait battre Faldo sur ce putt…


Oui mais voilà… On pourrait aussi remonter plus loin dans le temps et repenser au malheureux Doug Sanders qui rate le même genre de putt pour offrir un nouveau British Open en 70 à Saint Andrews à Nicklaus. (Si tant est que “Jack” ait jamais eu besoin qu’on lui donne des victoires!)
Comment se relève-t-on de ceci ? Je ne sais pas… Je ne sais pas comment il a fait pour ne pas tomber à genoux et pleurer toutes les larmes de son corps.

Ces petits putts d’un mètre et moins sont de vrais serial killers. Que celui qui n’a jamais tremblé devant eux me jette des pierres. C’est souvent par une peur consciente ou inconsciente de ces coups que les mauvaises stratégies de jeu s’établissent. On commence à foirer par là. “ Allez ce coup-ci tu le mets pas à gauche hein… tu gardes tes mains tranquilles… Ne bouge pas ta tête… garde le putter bien en ligne ! Et la balle où je la mets déjà plus à gauche ? Non plus à droite ! Et mes yeux ? Je regarde quoi ? La balle ? Ma tête de putter ? Le trou ? … Allez et ne respire pas  !…. Attends et le grip je le serre comment déjà ? Non je ne veux pas penser à ce dernier putt raté…NOOOOON… Maman j’ai peur !!!!!!!” La paralysie par la peur. La pétrification par les pensées toxiques. L’échec par anticipation de ne pas perdre. Et Satan qui se marre… On se pardonne aisément un drive raté. On ne se pardonne jamais un petit putt manqué ! Donc après un échec, on se sent moins en confiance au chipping et au long putting et donc on se met de la pression aux approches pour se mettre encore plus près du mât et espérer un “tap-in”… puis aux drives pour jouer des fers toujours plus courts… Et alors BAM… bonjour les cartes à déchirer. Notre arithmétique part en quenouille. On arrive alors vite à des aberrations du genre 4+4 = 8.

J’ai la chance d’avoir un chipping et des longs putts plutôts très très corrects. Ce sont mes piliers de jeu. (Pourtant cela ne m’empêche pas de pester contre mon jeu de fers trop souvent médiocre et mes drives ayant pas mal de jours “sans”) Et pourtant il m’arrive d’oublier comment m’adapter à mes faiblesses et me reposer sur mes forces. Parce que j’oublie de temps en temps mon cerveau en allant sur le parcours et qu’alors je laisse mon ego m’enfoncer dans la mélasse. Il y a des parcours ou des trous qu’il faut savoir caresser dans le sens du poil et alors jouer le bogey ou le double. Je parle au nom de nous les joueurs moyens. Nous tombons si souvent dans le piège de nous croire meilleurs que nous le sommes avec nos long clubs. Les wedges et le putter sont pourtant tellement plus aisés à maîtriser et travailler.

Il y a quelques jours de cela j’ai commis cette erreur durant quelques trous d’un parcours que je jouais avec un ami pro. Je perdis quelques longues minutes et points à rechercher mes balles dans les roughs. J’ai certainement eu l’envie de ne pas lui paraître trop mauvais lors de notre première partie ensemble. Encore une histoire d’ego. Puis alors qu’il me rappelait avec gentillesse et sagesse que je pouvais “aussi” jouer le bogey et faire le par, je réussis un retour plutôt très très correct avec des pars, un ou deux birdies et très peu de catastrophes. Parce que je ne me laissais que des coups que je maîtrise, en les jouant confortablement. Ce fut de toutes façons une partie merveilleuse avec deux personnes absolument adorables que j’espère retrouver bientôt.

Jouer le bogey ou même le double pour les joueurs moyens que nous sommes est la meilleure des arithmétiques. Le plus sûr moyen de faire aussi des pars voire des birdies. Et d’éviter les “catas” qui nous coûtent si cher. Encore faut-il travailler régulièrement et avec assiduité ce qui est le plus aisé au golf, le petit jeu. Et aussi savoir maîtriser notre ego qui s’avère souvent un très mauvais conseiller.

Le génie d’un bon score sur des parcours que nous jugeons “challenging” tient parfois à de simples équations. Une autre arithmétique. Genre 3+1=4 ou 4+1=5.

Chip and putt = mc2 !!!!

Sur Didier Brun

Passionné de golf depuis un autre millénaire, joueur senior amateur "lambda", avec ses hauts et ses bas (index 11,5). Je m'amuse à écrire à propos de différents aspects de ce sport merveilleux, en toute indépendance, tout en essayant de garder une bonne dose d'humour et d'auto-dérision. Les opinions que je diffuse avec plaisir sur ce blog n'engageant que ma modeste personne. Pour paraphraser Clémenceau : "La passion du golf est une affaire trop sérieuse pour la laisser (seulement) entre les mains des journalistes !"

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.