Je voudrais rendre un hommage à un monsieur, un golfeur, qui ne me connaît pas. Et qu’en fait je ne connais pas non plus. Je connais juste “le souvenir” de son swing. Ce monsieur était entraîneur national de golf lorsque j’ai eu la chance de le voir s’entraîner. Un jour de 1996, au practice du Golf National. Un jour que je n’oublierai jamais. Ce monsieur, je l’ai appris plus tard, se nomme François Berthet. Il a eu une relative “modeste” carrière de jouer pro semble-t-il et une énorme carrière d’entraîneur national au plus haut niveau, avec des résultats merveilleux. Vu la piètre qualité de mon swing, j’espère qu’il ne se sentirait pas froissé que j’avoue qu’il est pour quelque chose dans mon amour du “swing”, encore plus que du golf en lui-même.
Je débutais à l’époque et autant dire qu’en fait je m’entrainais plus à enrichir mon ostéopathe qu’autre chose. Mais je voulais vraiment “apprendre” ce sacré swing de golf. J’allais donc très régulièrement au Golf National pour taper des balles. Le putting green là-bas offrait par ailleurs aussi des qualités exceptionnelles. Et puis je sais pas, cela me rassurait peut être de me trouver au sein de cette structure. Bref… un jour, François Berthet tapait des balles. Là, juste à côté de moi. Je me souviens qu’il jouait soit un fer 9, soit son driver, en alternance. Pour son driver il se reculait de quelques pas et plantait son tee avec un peu de recul. Le practice du National n’était pas si long que ça. Je ne sais pas si ils l’ont agrandi de nos jours n’y étant pas retourné depuis des lustres. Je me souviens que chacune de ses balles me faisait avoir ce pincement admiratif et béat, me procurait cette envie définitive, me plongeait aussi avec une certaine douleur dans un abîme de doute et d’incompréhension totale : “Mais comment il fait ça ?”. Tout semblait si facile, si élégant, si puissant, sans effort, si précis. Gracieux. Si gracieux. Parfois je le voyais remettre en place la mèche de ses cheveux avec ses doigts et un peu bouger la tête comme si il n’était pas si satisfait de son coup, quand moi j’aurais tout de suite acheté le dixième de la perfection de ce que je voyais.
Je me souviens me dire en l’admirant : « Je veux swinguer un jour comme ça !”. Je me souviens ne pas trop montrer que je le regardais pour ne pas gêner son entraînement. Nos regards à plusieurs reprises néanmoins se sont croisés. Il semblait très sympathique et simple. Sans aucune pédanterie. J’aurais aimé m’asseoir et juste le regarder. Comme au spectacle. Je continuais de fracasser mes trucs sans nom et massacrer mes vertèbres avec cet affreux sentiment d’être juste assez pathétique.
Modéliser n’est pas forcément atteindre la réplique exacte. Modéliser c’est beaucoup plus subtil que la simple imitation. Et disant cela je ne prétend pas du tout avoir atteint la qualité du swing de cette homme. Très très loin s’en faut. Mais j’ai tendu vers cela. J’ai utilisé d’une manière intuitive le “Comme si”… Je suis allé chercher quelque chose de cette ordre. Je me suis inspiré de ce “moment” là. Qui m’a donné l’énergie et la vision de ce qui me faisait vibrer. Comme les gosses qui admirent un champion et qui debout devant la télé imitent ce champion, qu’il soit de foot, de rugby ou de golf. C’est ça le “comme si”… Une source très riche en informations non réfléchies. Mais puissamment inconsciemment acquises. Je n’ai jamais eu ni la prétention ni l’aveuglement de croire que je pourrais jamais être un bon golfeur. J’ai commencé bien trop tard. À 40 piges. Je suis juste, enfin j’étais juste il y a quelques années encore un golfeur du dimanche très honnête. Sans plus. Rien de comparable à ce que le moindre des excellents amateurs ou pros peuvent prétendre. Cela ne m’empêche pas de connaître ce jeu. Plutôt pas si mal, il me semble. Je ne suis pas de ces cogneurs. Je suis plutôt un (si piètre) swingueur… à l’aune de ce que je voyais des swings des golfeurs que j’ai admiré comme : Faldo, Els, Goosen, et donc ce monsieur là… qui me semblait avoir un swing d’une pureté absolue. J’ai besoin de sentir l’aisance, la souplesse et la grâce dans un swing. C’est purement kinesthésique. Comme lorsque je pratiquais le judo. Toutes mes années judo m’ont poussé à être “très dans le mouvement, la souplesse”… je détestais les combats de brutasses… que je ne refusais pas néanmoins mais je n’y prenais aucun plaisir. (Sauf celui de gagner. Quand cela arrivait !) Dès que j’ai la moindre tension en moi je sais que ça ne va pas le faire au golf. Je suis même très sujet à une dépendance à mes émotions. Si j’arrive sur le parcours avec ma brouette d’emmerdes, sûr que je vais jouer comme un porc. Je suis un émotif primaire. On ne se refait pas. J’ai besoin de positif et alors je peux briller, à mon niveau. Le négatif me détruit aisément. À moins que je lui déclare la guerre, mais alors c’est autre chose. Je déclare (trop?) rarement la guerre avec qui que ce soit. Le négatif me semble si toxique. Partout. Mais bon je m’égare.
J’ai admiré d’autres golfeurs et continue d’en admirer des légions. Mais aujourd’hui je parle de swing. De cette danse si pure, si légère, si gracieuse. Même Tiger à mon sens n’a pas cette grâce que pouvait avoir un Els de la grande époque. On ne comparera pas les palmarès bien sûr. Tiger c’est Tiger. Je n’étais pas “fou” du swing de Nicklaus non plus. Pourtant. Pourtant que je respecte le golfeur. Non, en fait, je vénère les deux. Jack et Tiger. Les deux qui sont très très très au dessus de tous les autres !
Il y a des golfeurs que je n’ai jamais eu de plaisir à voir jouer. Montgomerie… Westwood… Furik… à cause de leur swings. Et pourtant j’ai toujours applaudi leurs victoires avec ferveur. De très grands joueurs. Le golf n’est évidemment pas que le swing. Et il y a ces centaines de joueurs au swing anonyme qui gagnent ou perdent et je m’en fous complètement. Un Thomas gagnant 3 tournois d’affilée me laisse aussi inerte que devant un plat d’endives au jambon. Comme Adam Scott et sa perfection. Va comprendre.
Si je devais faire un liste des golfeurs stars que j’ai modélisé “en rêve” je dirais : Faldo et Els pour le swing. Tiger des grandes années pour le putting. (Bon ses fers 6 à 180 mètres du drapeau dans un bunker avec un obstacle d’eau à passer et un green de trois mètres de profondeur sont évidemment anthologiques, mais à 180 mètres du drapeau dans ces conditions, moi je me recentre !) Ballesteros pour le petit jeu et cette grinta latine incomparable. Nicklaus pour la stratégie. Couples pour ce côté facile et relax. J’aime beaucoup aussi la hargne de sale clébard de Poulter en match play. Je me sens assez comme lui en match play, du genre bulldog qui se cache avant de mordre, pas forcément le plus talentueux mais celui qui ne lâche rien. La perfection germanique à la Langer robotique m’ennuie désespérement, même si il rafle tout sur le Champions Tour de même que le côté “zero emotion” de Dustin Johnson, numéro 1 mondial actuellement. Et puis aussi, j’aime Bubba Watson parce qu’il pleure quand il gagne. Qu’il laisse ses émotions venir et se montrer. J’aime les gens qui se montrent. Le genre “Faut pas montrer ses émotions c’est obscène”, pour moi ça sent le catho qui va à confesse dès qu’il a chouré un Choco BN dans le buffet. Le genre, j’assume pas qui je suis. J’aime les latins qui en font toujours un peu trop. Le golf de Bubba est un ensemble d’anarchie émotionnelle que j’admire. Cela me ressemble tant. J’aime ça, profondément. Bon en même temps Bubba est super “croyant” donc mon analogie craint du boudin! Hahahaha.
Le swing est un mélange de laisser-aller et de contrôle. C’est très complexe en fait si on y réfléchis bien. Allier l’énergie et la souplesse. Le sur-place et le mouvement. La puissance et la grâce. L’émotion et la retenue.
J’oubliais un truc. Si j’avais été pro j’aurais modélisé le mental de Tiger. Quoique finalement c’était assez in-humain son truc. Cette “absence” apparente d’émotions, ce contrôle permanent de tout. Il a payé la note. Cher ! Il y a eu fracture pour lui. Plus tard. Il fallait. Désormais il se montre. Et je l’aime définitivement mille fois plus pour ça. Oui je suis si heureux de le voir désormais libéré de ce carcan. Peut être ne gagnera-t-il plus. Je m’en cogne d’une force. Il est libre. Comme moi, en fait. Je modélise à loisir… Je ne jouerais certainement jamais plus aussi bien qu’avant… mais je m’en fiche. Enfin… c’est peut-être pas si simple !
Aujourd’hui, j’ai atteint cet âge où je me modélise moi-même tel que je me rêve. Et je suis enfin en paix !
Merci à tous mes modèles de m’avoir permis d’atteindre le modeste golfeur, mais si amoureux de ce sport, que je suis !