tangente chronique didier

Tangente, co-tangente et dix de der !


Quand j’ai voulu apprendre le golf à mon fils, qui avait à l’époque 7 ou 8 ans, j’ai très très vite abandonné toute tentative d’explication théorique. Non qu’il fut sourd ou idiot, bien au contraire. Mais plus je tentais de lui expliquer “Le Swing”, plus je percevais les limites de ma propre inexpérience. Finalement, armé de cet air paternel heureux de transmettre quelque chose de fondamental et ayant une confiance inconditionnelle en ma progéniture, je lui ai donné il me semble le meilleur des conseils : “Fais comme Papa !”.

C’est un procédé assez “ignoble” je l’avoue que d’abuser de la candeur d’un enfant, mais à l’époque il me voyait encore comme un Dieu vivant. Et je lui laissais croire que je détenais “les clès” de la confiance, à défaut d’avoir celles d’un swing de qualité. À lui donc de les imiter et modéliser par sa “propre” vision et perception. Et pour être tout à fait honnête je suis plutôt fier de ma trouvaille intuitive quand je le vois jouer “à sa façon” désormais. (Si seulement mon fils chéri avait aujourd’hui cette élégance de ne pas systématiquement me mettre deux clubs dans la vue !!!) Ne dit-on pas que Mickelson est en fait droitier et qu’il joue au golf en gaucher uniquement parce qu’enfant il se tenait face à son père pour imiter le swing paternel. Comme dans un miroir. Image inversée. J’adore cette anecdote. Mickelson est un si merveilleux champion, adulé par les foules. Si particulier. Unique en son genre !

Je raconte tout ça, car depuis plus de vingt ans j’ai lu et relu encore et encore des centaines d’articles et de bouquins de golf, j’ai vu des milliers d’heures de tournois, combien de “cours” ai-je acheté sur VHS puis DVD ? J’ai écouté, observé, réfléchis plus que de raison pour comprendre le swing et sa géométrie parfois (rendue?) si complexe. Et je m’aperçois quand même d’un truc. C’est bourré de contradictions ! Il y a autant de swings qu’il y a de joueurs et souvent le geste de l’un détruit toutes les théories établies sur la base du geste de l’autre. Mais si ils ont bien une chose en commun, c’est la confiance en leur propre façon de taper la balle. Cette absolue “certitude” de pouvoir ramener la face square à l’impact le plus vite possible, à leur façon. Les exemples les plus frappants et connus étant des gars comme Bubba Watson, Jim Furick et pour les plus anciens peut être se rappellent-ils du swing improbable de ce champion Irlandais Eamonn Darcy. Le swing le plus laid qu’il fut… avec 15 victoires sur l’Europan Tour au compteur, plusieurs participations à la Ryder Cup. Coude droit en aile de poulet, jambe droite dansant en arrière au backswing, la gauche dansant une autre samba, club croisant la ligne au sommet. Les mains cueillant la balle, le coude gauche plié au release… Une horreur merveilleuse.

En haut de la montée pour Eamonn Darcy

J’ai toujours apprécié les enseignements de Leadbetter car ils m’ont toujours parus très simples et logiques géométriquement parlant. Du moins suffisamment pour mes capacités intellectuelles qui ne sont certainement pas immenses dans la mesure où j’ai une sérieuse tendance à oublier mon cerveau lorsque j’en ai besoin club en main. (Et parfois à ne jouer qu’avec lui lorsque je devrais me lâcher un peu le coude.) Voir Leadbetter swinguer un club me donnait et me donne toujours confiance !

Néanmoins il y a quelques points techniques célèbres qui prètent à confusion de ma part, comme par exemple : “Il faut garder la jambe arrière pliée et résistante au backswing.”  Dustin Johnson et Jordan Spieth la raidissent. Et je n’ai pas l’impression qu’ils s’en plaignent. “Étendre les deux bras et le club bien droit au max que tu peux (oui Denise, c’est normal ça doit te faire un peu mal)  en direction de la cible au release”, comme si tu pointais avec ton club vers un trousseau de clés perdu dans l’herbe 200 mètres plus loin. Théorie actuellement très en vogue chez certains enseignants. (Il me semble qu’un seul comprimé suffirait pour les amateurs que nous sommes, au lieu de prendre toute la boite, mais bon) On a même inventé le lancer de club dans la ligne de visée pour faire comprendre. Leadbetter dans un de ces anciens bouquins disait que c’est une grosse faute. Puis maintenant il s’est mis aussi à lancer les clubs dans la ligne de jeu lui aussi. Il a du acheter un clebs qui aime les lui rapporter, c’est pas possible autrement. Et quand tu regardes “Kooch” et son swing avec bras hyper connectés poser des flêchettes, ou les coups tenus si précis de Fleetwood, tu doutes encore plus. “Garder les épaules, les hanches, les pieds parallèles à la ligne de jeu” ou les fermer pour faire un draw. Fred Couples a tout son corps qui est ouvert et pourtant il manie la balle à droite, à gauche ou tout droit comme il veut. Et je ne parle même pas de Bubba Watson. “Il n‘y a pas de pause au sommet entre backswing et le downswing”. Matsuyama s’arrête quasiment deux trois secondes avant de démarer son downswing. Alors bien entendu l’éternelle réponse est : “Oui mais eux ce sont des champions”… Ce que je concède très volontiers, cependant cela n’explique pas en quoi toutes ces anomalies confirment les théories qui leur sont contraires.

Les profs doivent gagner leur pain et les journaux aussi. Et dans leur grande majorité ils sont tous certainement éminemment compétents techniquement. Le golf est un business comme un autre et personne ne va s’en plaindre. Néanmoins, il y a un aspect psychologique fondamental qui à ma connaissance n’est jamais vraiment abordé (ou très rarement)… c’est la particularité de “chacun”. Et la confiance que chacun doit avoir dans ses propres talents. Comment théoriser quand chaque individu, chaque cerveau, chaque physique a sa propre “vérité” ? Harvey Pennick dans son petit livre rouge raconte un truc vraiment merveilleux. Tom Kite tout gamin (ou était-ce Ben Crenshaw ?) vient le voir et lui demande comment faire pour lever la balle en chip devant un bunker et la faire arrêter très vite sur le green. Pennick, qui était donc son coach à Austin lui a répondu : “Vas donc essayer près du green et reviens me dire comment tu as fait !”. Cette simple façon de répondre valide l’intelligence du gamin et sa capacité à “trouver”, à expérimenter. Il cautionne sa compétence innée. L’autorise à se l’approprier. Et forge sa confiance. Il me semble que les joueurs qui ont “ce” caractère, avec un swing qui leur est très personnel sont très souvent adorés du public parce qu’ils montrent leur propre identité et cassent un peu les codes de la perfection. Ils ne sont pas robotisés. Faire en sorte de valoriser les particularités de chacun et ne pas les transformer en toutous bien sages cela doit être un drôle de challenge pour les professeurs de ces champions au swing si particulier. Je leur tire mon chapeau. Ils ont su s’appuyer sur ce que leur élève avait “en magasin” et le faire fructifier. J’ai beaucoup de méfiance à l’égard de ceux qui n’ont qu’une seule et même forme de discours pour enseigner aux modestes golfeurs amateurs. Le genre profs de trigonométrie de notre enfance. Ils te sortent “tangentes et co-tangentes”, tu comprends pas forcément grand chose (voire dans mon cas absolument RIEN, la trigo restant une nébulleuse, un grand mystère), et alors cela devient de “ta faute”, tu es donc de fait un incompétent, tu te prends un sale note et un blâme pour manque de travail. Dix de der, t’es capot ! Grande duperie. À mon sens c’est en l’occurence le prof qui est à blâmer. Années après années, il détruit la confiance en eux de certains élèves à jamais, qui avec un minimum de confiance “pourraient”.

La confiance en soi préserve le rythme et le tempo du swing. Toutes proportions gardée c’est souvent par perte de confiance que les pros enchainent les mauvais coups et bousillent une carte. Souvent à la suite de putts ratés qui les mettent sous pression de devoir se coller au mât. Donc forcer les drives pour n’avoir que des fers courts à jouer. L’arrosage commence ! Les golfeurs amateurs qui ont la chance de commencer le golf dès leur plus jeune âge ont cette chance immense de “ne pas trop douter”… badaboum, ils rentrent dans la balle pour jouer et s’amuser, sans trop se poser de question. C’est précieux. Ils peuvent prendre le temps d’inscrire ce tempo, cette vélocité et ce rythme dans leur chair. Pour en faire leur propre swing. En démarrant le golf plus vieux, voire vraiment plus vieux, on est plus sensible à ce qu’il “serait bien de faire”. On devient analytique et moins kinesthésique. La vie, le boulot, en général nous ont appris à nous formater à des process très précis. Le fameux : “C’est comme ça que ça marche !” Nous allons alors souvent chercher un vrai prof de “trigo” officiel, nous le payons afin de valider nos in-com-pé-ten-ces.

Hier au practice, alors que je m’entrainais près d’un cours j’ai assisté à un échange très éloquent à ce sujet. Un jeune professeur enseignait à des gens on va dire plutôt très débutants. Un homme topait toutes ses balles qui rasaient le gazon et donc il râlait de sa “nullité”. Le prof revint le voir, le corrigea très simplement avec deux trois mots et les balles partirent vraiment bien mieux. Aussitôt que le prof s’éloignait pour se concentrer sur quelqu’un d’autre, le gars refaisait des lapins. Avec un ton assez calme le prof revint le voir et lui dit :” Tu sais pourquoi tu rates. Et tu sais comment ne pas rater. Donc tu peux continuer à rater si tu veux !” J’ai trouvé ça plutôt très malin de sa part. L’élève a répondu “ Oui mais quand vous êtes là, j’ai confiance et ça devient plus facile !”. Le discours changeait de niveau. De la simple technique le dialogue était à l’étage psychologique. On aurait dit un vrai gamin. Je ne le blâme pas, ni le moque, mais cela m’a sauté aux yeux que ce type qui est peut être un big chief chirurgien qui sauve des vies, une fois club en main sur un tapis se transformait en véritable “écolier”. J’ai alors compris à quelle point la psychologie devait être (souvent?) au coeur de l’enseignement du golf. Et j’ai trouvé ce jeune pro très bien, dans sa posture : “Vous savez comment faire et vous savez comment ne pas faire, donc à vous de choisir !

S’en remettre parfois au “Savoir” du professeur, comme si il allait swinguer à notre place, donc dans cette posture passive et ne rien apprendre de notre propre compétence… il me semble que c’est assez fréquent au golf. C’est une des vraies raisons pour lesquelles ils nous est parfois si difficile à nous amateurs ayant démarré le golf assez tardivement de jouer relax, d’être “nous-mêmes”, de nous faire confiance. Quand pour une raison X ou Y la pression se fait plus intense. Cela arrive bien sûr de très bien jouer, heureusement. Mais pfuuuuit la “compétence conciente” peut aussi disparaître en quelques secondes. En un claquement de doigts. Comme si on ne savait plus rien ! Comme si on n’était plus soi-même. Plus aucune confiance. Comme si notre swing “inné” n’avait pas pu atteindre assez profond en nous-même pour y rester en sécurité en cas de danger. Peut-être cela vous parle aussi ? Cela m’arrive parfois et j’ai alors envie de crier :  “Eh oh Didier, reviens parmi nous !!!

Quand je vous dis que parfois au golf j’oublie d’apporter mon cerveau. Fuck la trigo ! (« Excuse my french », comme disent les anglais !)

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Sur Didier Brun

Passionné de golf depuis un autre millénaire, joueur senior amateur "lambda", avec ses hauts et ses bas (index 11,5). Je m'amuse à écrire à propos de différents aspects de ce sport merveilleux, en toute indépendance, tout en essayant de garder une bonne dose d'humour et d'auto-dérision. Les opinions que je diffuse avec plaisir sur ce blog n'engageant que ma modeste personne. Pour paraphraser Clémenceau : "La passion du golf est une affaire trop sérieuse pour la laisser (seulement) entre les mains des journalistes !"

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