Le golf est un sport solitaire. Cette idée fausse est véhiculé par ce que l’on voit. Au delà des cordes, une équipe soutient le joueur; entraîneur, coach mental, sponsors, entourage familial et voir même un agent. Souvent oublié ou négligé, l’agent est bien plus qu’un pourcentage. Si les plus grands joueurs de golf en ont un, depuis leur débuts, pourquoi certains joueurs n’en ont pas? J’ai posé quelques questions à Charles Enjalbert, ayant quitté sa vie à Atlanta, pour créer SubPar, une agence de management sportif. Il nous livre sa vision du métier et pourquoi ses expériences chez l’oncle Sam lui donnent toutes les cartes en main pour hisser les golfeurs français au plus haut niveau.
Titulaire de la double-nationalité franco-américaine, Charles a obtenu sa licence d’agent de joueur en avril dernier et ajoute que ça lui facilitera plus les choses notamment sur le territoire français mais avant tout qui est Charles Enjalbert?
Une genèse de sportif de haut-niveau
Avant d’attaquer l’épisode américain, peux-tu nous en dire plus sur ton passé de sportif et ce qui t’a emmener sur Atlanta?
J’ai fait du saut à la perche à haut niveau. J’étais champion de France cadets. Je suis allé en équipe de France junior sponsorisée par Reebok. Ensuite, j’ai été au Racing Club de France avec espoir de percer au plus haut niveau. Après avoir eu 23 ans, j’ai arrêté sans jamais avoir percé. Mais après j’ai pu côtoyer des gens comme Ladji Doucouré qui était mon partenaire de chambre aux championnats d’Europe Juniors et des gens comme Romain Mesnil ou Jean Galfione avec qui je me suis entraîné. Donc c’est vrai que j’ai cette connaissance du sport de haut niveau et surtout c’était quelque chose dans lequel j’aspire à travailler. Après le lycée par faire une école d’ingénieurs l’INSA à Toulouse qui offrait une classe pour les athlètes et les musiciens de haut niveau. Donc j’ai pu côtoyer sans que l’on soit vraiment très proche Céline Herbin qui joue maintenant sur le LPGA. J’ai fait ça pendant deux ans avant de me rendre compte que les maths, la physique et l’ingénierie dans l’absolu ce n’était pas ce que j’avais envie de faire et donc je me suis redirigé vers une école de commerce sur Paris.Donc j’ai fait ça et puis je suis parti en double diplôme en Suède pendant 2 ans et demi. C’est là que j’ai rencontré la personne qui est devenue ma femme.
Ensuite j’ai travaillé brièvement pour une petite agence de marketing et de management sportif en France avant de partir aux Etats-Unis pour faire un MBA. J’ai été acceptée à Emory University qui est une des deux grosses facs avec Georgia Tech à Atlanta. Puis j’ai fait mon stage dans une grosse agence de marketing sportif. Et là c’est là où j’ai pu vraiment travailler sur des projets sympa avec des gros clients.
AT&T est le plus gros opérateur téléphonique aux États-Unis et là on mettait en place toute leur stratégie marketing dans le NASCAR et donc on faisait de tout: de la définition des objectifs des outils qu’on allait utiliser à la mise en place de cette stratégie jusqu’à la présence en ligne avec leur site web dédié au NASCAR.
Une fois l’activation faite, il fallait créer du contenu et alimenter les réseaux sociaux mais aussi de l’événementiel et que ce soit sur les courses ou pour communiquer via des communiqués de presse. Et ensuite, on essaie de valoriser et de quantifier le retour sur l’investissement. S’ils ont des objectifs de vente dans certaines tranches démographiques ou dans certains états, il faut pouvoir leur montrer comment leur investissement en NASCAR a pu contribuer à une augmentation de cette notoriété, de trouver avoir un réel impact sur leurs ventes. Ce qui est important dans ce que je fais dans ce que je fais aujourd’hui.
L’autre gros client c’était les New York Yankees qui est une grosse franchise de baseball américain probablement la plus connue. On les avait aidé sur tout ce qui est la stratégie sponsoring pour leur nouveau stade. On nous avait dit qu’il fallait trouver des sponsors pour le stade. Il s’agissait d’une approche analytique où on regardait toutes les franchises des gros quatre sports majeurs aux États-Unis : le foot américain (NFL), le hockey (NHL), le basket (NBA) et puis bien sûr le baseball (MLB).
au sortir de mon MBA, pour travailler dans le sport il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus
Par contre au sortir de mon MBA, pour travailler dans le sport il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Et en fait, il m’avait fait une offre qui n’était pas forcément très intéressante notamment au niveau financier. Du coup, je me suis retrouvé dans l’industrie dentaire où j’ai travaillé pendant 4 ans dans la gestion de produits ensuite sur du business développement.
Le sport ne t’as pas trop manqué?
Le sport en lui même un petit peu. C’est vrai que je souhaitais travailler là dedans. Après honnêtement il n’y a pas énormément d’opportunités. En plus c’était en 2008 au niveau de la récession, j’avais déjà pas mal de chance d’avoir pu trouver un employeur qui voulait me sponsoriser pour un visa à l’époque. Et puis au final ça a été une bonne école et toute l’expérience professionnelle que j’ai acquise avant de créer SubPar a été vraiment enrichissante. Je ne serais pas capable de le faire si j’avais commencé directement dans le sport.
Ensuite j’ai fait deux ans dans une société dans le traitement du cancer par la radiothérapie et j’ai des grosses machines qui valent entre 1 million et 5 millions de dollars qui émettent de la radiation sur les tumeurs. J’étais en charge de tout ce qui est marketing pour les contrats de maintenance. Quand on côtoie des hôpitaux qui dépensent des millions d’euros pour avoir ces machines et veulent s’assurer que ca marche et on leur vend des contrats de maintenance où la clé c’est vraiment de leur montrer la valeur tangible de ces contrats et surtout que la machine ne tombe pas souvent en panne. Il faut bien leur montrer et créer une certaine valeur.
Après après en fait mon PDG de Carestream m’a appelé pour me dire qu’il a changé de société et qu’il a un poste qui pourrait m’intéresser. Je suis retourné dans l’industrie dentaire mais cette fois pour un gros conglomérat un peu comme General Electric mais un peu plus petit c’est une société qui s’appelle Danaher et là j’ai été responsable au niveau mondial de nos de nos contrats de maintenance dans tout ce que l’imagerie dentaire.
Ça a été une expérience importante pour moi parce que j’ai rejoint des gens de très haut niveau et surtout c’est une société qui à l’image de General Electric s’appuie vraiment sur un savoir faire et une façon de faire très déterminée, basée sur des concepts lean 6 sigma qui sont des processus très clairement définis pour un dirigeant et un futur meneur. Ce sont des compétences qui sont vraiment primordiales et c’est là que j’ai pris un tremplin encore plus fort dans ma carrière. J’ai été repéré et mis dans ce qu’ils appelle le general management track et où vraiment on développe un profil de généraliste.
J’ai été responsable pour une trentaine de personnes au sortir de cette expérience en gérant des équipes marketing, des chefs de produit et aussi une force de vente et ensuite mon boss a quitté la société pour une plus petite structure et m’a appelé six mois après qu’il soit parti pour me demander si j’étais intéressé pour le suivre avec un poste similaire. Et donc j’ai rejoint une société qui s’appelle Onshore Outsourcing, spécialisée dans les services en informatique avec un business model très intéressant. J’y ai travaillé pendant deux ans pour être là devenir le numéro deux de la société. Au final, j’étais responsable pour 350 personnes. Donc j’avais 8 personnes en direct, deux vice-présidents et six directeurs.
Entre temps, j’ai eu la carte verte et je me suis fait naturaliser donc j’ai la double nationalité franco américaine.
Une belle situation à Atlanta mais un retour en France qui s’annonce
Je travaillais 60 à 70 heures par semaine et je voyageais énormément. D’ailleurs c’était pas mal de international sur le dernier job aux Etats-Unis. J’étais quasiment toutes les semaines dans l’avion et ma femme était expert comptable/contrôleuse de gestion. Elle travaillait pour une grosse société et avec une petite fille qui avait à l’époque 3 ans, on s’est dit ça va. Ça devient difficile de continuer sur ce rythme mais on avait décidé de faire une petite pause pour voir ce qu’on voulait faire. De cette pause, est née l’idée de pourquoi pas rentrer rentrer en Europe et de se rapprocher de nos familles suédoises (ma femme) et françaises (pour moi).
Qu’est ce qu’y t’as fait retourner vers le golf?
Je suis golfeur depuis à peu près une quinzaine d’années. Mon père était golfeur même si je faisais de l’athlétisme. J’étais quand même initié au golf et c’est un sport que je pratique activement. C’est un sport qui me passionne mais qui m’intéresse pas seulement pour la pratique mais aussi de suivre un peu l’élite ainsi que d’autres aspects.
Je me posais la question de comment capitaliser sur mes expérience et d’utiliser des opportunités dans le golf pour créer quelque chose dans ma spécialité. Mon école de commerce en France, c’était l’entrepreneuriat donc j’ai toujours eu cette curiosité. Quand j’ai fait ma pause professionnelle, il y a de ça une bonne année, j’ai fait du golf avec le but de progresser un maximum.
Je suis parti de quelques constats qui m’ont qui m’ont interpellé. J’avais trois projets qui m’avaient intrigué dont la création d’une agence.
Quand on regarde les classements mondiaux, à l’heure actuelle, on n’a pas énormément de Français dans l’élite. Tout ça pour dire qu’on a l’inverse comme moi qui ai pu vivre en Suède, où il y a 9 millions d’habitants, ils ont des joueurs qui ont fait des gros résultats. En regardant les Suédois, les Anglais, ou même des Italiens et je ne parle même pas des Américains bien sûr, je me suis demandé pourquoi on ne voit pas autant de Français. J’ai fait un constat dans lequel je pense avoir les compétences pour aider un petit peu. Une autre de mes observations, c’était aussi que ces joueurs qui sont représentés par des grosses agences principalement américaines, soit anglaises. C’est tout le temps des agences anglophones.
En fait, si on est dans le top 100 voir le top 50 mondial, les agences vont faire un excellent travail et vont pouvoir vraiment aider les joueurs à capitaliser sur leur image et leurs retombées médiatiques et financières. En revanche si on est un petit peu au delà, ça devient un peu difficile parce que l’approche devient plus proactive plutôt que réactive.
Quand on a un joueur comme Rory McIlroy, on a les sponsors qui vont venir et on a beaucoup de demandes. Les agences vont faire le tri et aider le joueur à choisir des bons partenaires. Si on a un joueur qui est un petit peu au delà de tout ça, ce n’est pas la même problématique où il faut plutôt utiliser son réseau. Savoir aller chercher des sponsors et trouver des partenariats pour ces joueurs. La dynamique est inversée et j’ai envie de dire que si on a, j’exagère un peu, le malheur d’être Français ça complique un peu la chose. Force est de constater que lorsque l’on n’est français et qu’on n’a pas des gens dans son équipe qui parlent français qui vont pouvoir aller démarcher pour ces joueurs des sponsors forcément ça devient un petit peu plus compliqué. Donc c’est pour ça qu’on a peut être un peu du mal à avoir des joueurs qui percent.
L’autre aspect c’est aussi tout ce qu’est la professionnalisation du projet. J’ai maintenant passé pas mal de temps sur les tournois notamment du Challenge Tour et autres tournois satellites, et sur les tournois du Tour Européen. On a vite fait de voir que la différence entre certains joueurs qui ont vraiment une approche très professionnelle où tout est bien planifié et bien mis en place et les autres. Le joueur est complètement entouré et à l’inverse des fois des joueurs qui sont au début de leur carrière et qui sont un peu moins pros ou un peu moins sur tous les aspects.
Et c’est là, où moi je m’appuie sur cette expérience professionnelle. Je reviens comme je disais tout à l’heure sur des concepts comme Lean Six Sigma où on va tout mesurer. Mettre tout à plat et planifier pour laisser le moins au hasard. Et quand on voit un golfeur à l’heure actuelle la différence entre le millième joueur au classement mondial et le 100ème joueur, la différence est minime. Donc tous les détails qui peuvent être améliorés au delà du golf vont contribuer à passer des paliers qui sont importants et qui ne sont pas forcément relatif au temps passé. C’est pour ça que j’ai décidé de créer cette agence de management sportif.
Dans un premier temps en me focalisant sur les golfeurs français pour les aider en les accompagnant d’une façon différente, plus volontaire, plus proactive comme je le disais qu’une grosse agence va pouvoir le faire au début parce que ils ont des ressources qui sont elles aussi un peu limitées. Et comme on le disait au niveau linguistique quand on a des gros poissons, on est plus à mettre des joueurs sur une étagère bien au chaud en attendant qu’ils percent. Dans l’intervalle, ils ne font pas grand chose pour eux.
Le but est d’essayer de casser ça et d’aller vraiment chercher à les aider à trouver des sponsors mais aussi à se professionnaliser.