van de velde les pieds dans l eau

Le syndrome d’Artagnan


Depuis 1999, c’est physique, je n’arrive toujours pas à revoir sur Youtube ou via un autre média, les images entières de ce qui s’est passé au 18 à Carnoustie, au British, cette année-là, ce moment dramatique qui vit Jean Van de Velde “abandonner” le trophée de “The Open”. Claret Jug qu’il tenait déjà dans les mains au départ de ce dernier trou avec ses trois points d’avance. Je vais être très clair, très très très franchouillard, terriblement bas de gamme, absolument ce que vous voulez (j’assume!), mais certainement pas objectif : “À mon sens Paul Lawrie n’a JAMAIS gagné ce tournoi. Point barre !” Il ne le méritait pas. Il n’a jamais eu un dixième de la classe du français. C’est une véritable escroquerie ce scénario. Qu’on vire sur le champ le type qui a pondu une telle version du script, une telle hérésie. Quelle andouille. Quel incapable ! Qu’il soit interdit d’assurance chomâge. Qu’il soit à jamais banni de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) du golf. Il doit être écossais… qu’on le noie dans… non, restons courtois… Qu’on le déporte en Corée du Nord. C’est im-pos-si-ble ce scénar !

Et bien entendu vous allez me dire: “Justement, impossible n’étant pas français…” Donc oui c’est possible. Oui c’est “so french” que ce soit possible un tel scénario, c’est si dramatique et romanesque, d’Artagnanesque. Ça on aime en France, ce côté Cyrano de la loose. Le beau cocu classieux !!! La Glose, l’Allure, le Geste. “C’est la Cooooomédie Fraaaannnçaaise, Monsieur !

Pardon Jean Van de Velde. Pardon de remuer une fois de plus le couteau dans la plaie. Je sais que vous êtes un si grand golfeur. Et certainement un homme de très grandes valeurs. Mais pooooourquoiiiiiii “ça” ? Nous avons été si nombreux à avoir si mal. Presque vingt ans après c’est toujours si vivace. Et même la défaite très honorable de Thomas Levet en play-off face à Ernie Els au British 2002 n’a pas réparé la douleur. Au contraire. Quand j’ai vu Levet, heureux de soulever Els de terre après sa défaite (et Thomas n’avait rien à se reprocher, juste un p…. de mauvais drive !), en manière de respect chevaleresque dû au vainqueur Sud-Af, j’ai ressenti une grande gêne, oui j’ai compris que ce panache, cet honneur joyeux un peu couillon, mais si beau, cet ADN généreux de cocu à la Pagnol, ce gène classieux du loser magnifique, sont souvent les raisons de nos défaites. De notre absence de grande(s) victoire(s). Il faut peut être savoir se montrer un peu détestable pour gagner plus souvent. Haïr la défaite. Qu’elle soit insupportable. Comme savent le faire les Allemands au foot, comme les Rosbifs au rugby. Et les Ricains au golf. Avoir cette âme de “killer”. Que nous n’avons pas. Nous nous voyons poètes. Esthètes. Amoureux du beau jeu. Bon perdants. Totalement hors sujet en compétition.

Je regardais Justin Thomas ce week-end en play-off pour gagner le Honda. Il voulait tuer Luke List. Il n’était pas “sympatoche” du tout. Il semble l’être rarement sur le parcours. Il n’avait d’yeux que pour la victoire, sans scrupule, sans sentiments. Son cerveau était orienté, programmé : “victoire”. Son talent est prodigieux mais List aussi est talentueux pour finir ex-aequo après quatre tours sur un parcours si difficile. La différence ? Le plus féroce a gagné. C’était si évident avant qu’ils frappent leur drive. L’un avait cette lumière froide de “snake” dans les yeux. L’autre pas (encore).

JVDV c’est tout le contraire en langage corporel. Il était ce golfeur si classe, si élégant, “ze” gentleman. Pas un tueur. Pas un vainqueur de British !

Pourquoi Jean as-tu pris ce driver au départ du 18 ? Tu savais que c’était une énorme connerie. Tu le savais, rassure moi. Même moi derrière mon écran j’ai crié “NON” du haut de mon 33 de handicap de l’époque. Comme le commentateur. Comme le monde entier. Le reste, toute cette catastrophe, on ne va même pas en reparler, ce fer 2 idiot et le reste, ce caddie si incompétent, tout ce qui t’a mené à patauger dans ce marigot fétide, le regard perdu, comme nos pioupious à Sedan en 70. Hagard. Que je plains ce moment de détresse que tu as dû ressentir. Seul, étant la risée du monde du golf pour l’éternité. Échevelé, livide au milieu… de nulle part. Comme on a eu mal pour toi. Cocoricouac !

Je regarde beaucoup de tournois sur Golf +. Surtout avec cet hiver qui n’en finit pas. Je vois nos français souvent à l’honneur. Admirables de talent. Jouant tous aussi bien que le reste du champ. Il n’y a rien à dire à ce propos. Les Pavon, Guerrier, Levy, Havret etc… Notre formation technique n’a certainement rien à envier à qui que ce soit… pourtant. Oui pourtant lorsque j’écoute les interviews j’ai souvent cette migraine qui me vient. Au soir du troisième tour, alors qu’ils sont en tête du leaderboard ou pas loin, tu sais déjà qu’ils ne vont pas gagner. Ils sont élégants, prudents, modestes, super honnêtes, très sympathiques. “Ils vont essayer de bien jouer demain, jouer coup après coup et si ça rentre tant mieux !” Mais tu sens que moralement quelque chose dans leur éducation les contient, les restreint à ne pas être trop ambitieux. De ne pas encore y croire “trop” à l’avance. Drôle de stratégie mentale. (Affligeant !) Est-ce la peur du ridicule en cas de défaite ? Une façon de ne pas se porter la poisse ? Je ne saurais dire, n’étant qu’un téléspectateur sexagénaire sirotant sa tisane bio dans son canapé en regardant les images. Mais est-ce qu’ils ont des “coaches stratégie certifiés” à la fédé pour entourer “positivement” ces gars qui ont tant de talent ? Je veux dire des psys qui savent ce que c’est que d’avoir un objectif… de gagneur, d’avoir les crocs, jusqu’à aller piquer dans l’assiette du voisin ? D’être un peu quelque part une “brutasse mal élevée”, sans aucun scrupule, quand il faut l’être ?… sans autre désir que cette addiction violente à la victoire ? Parce que c’est ça la compétition. C’est ça l’objectif au final. Si tu manges, l’autre ne mange pas. La victoire “élégante” c’est uniquement le lendemain dans les journaux. C’est de la littérature. Ou le dimanche entre potes sur les parcours lambda. Si cela te gène intellectuellement de gagner, faut pas concourir ! Sur le PGA c’est avec d’autres codes que tu te bats. On peut tourner le truc dans tous les sens, quand il y a un vainqueur, il y a un (des) vaincu(s). En France, une seule équipe l’a définitivement intégré depuis longtemps : le hand-ball. Et Fourcade en biathlon. Et Riner en judo. Ceux-là ont un super talent, ils bossent comme des chiens (comme nos golfeurs à n’en pas douter) mais “en plus” ils ont cette lumière de crotale dans les yeux. Comme Hinault savait merveilleusement cultiver cela à vélo. Hinault ce n’était peut être pas le meilleur, c’était en tous cas le plus tueur. Il avait LA super niake ! Ce mot sec, un peu vulgaire, qui ressemble au bruit de cou de ton adversaire quand tu lui brises la nuque. Ben oui c’est pas cool. Niaque !

Panem et circenses”. On a rien inventé depuis l’antiquité. Faut savoir ce que l’on veut !

Je mettrais un bémol sur Alexander Levy. Ce garçon a un truc spécial en plus de son talent. Il a cette tchatche parfois, ce côté un peu arrogant. Mais uniquement parfois. Et donc il gagne… parfois. Pas assez ! Il est, semblerait-il, le seul capable d’intégrer l’équipe de Ryder Cup si Björn se décide à intégrer un français pour “faire plaisir” à qui de droit. (Dub étant apparement à nouveau aux fraises, en tous les cas on se demande ce qu’il fait… Pourtant quel sacré talent +++ !). J’ai bien observé Levy dans ses matches contre l’Asie, il y a quelques semaines. Il a perdu ses doubles et gagné que son simple. Mais ça c’est pas si grave. Je l’ai trouvé soudain “gentillet”, plus “petit”, un peu “minot”. Rétréci ! Il avait comme perdu ce mordant, ce regard de killer qu’il peut avoir par moments dans la saison. Il cherchait un peu Björn du regard sur le 18 comme pour recevoir son adoubement. Alors qu’il a tout dans les mains pour être et devenir plus régulièrement un si grand joueur indiscutable en Ryder Cup. Et nous ramener ce majeur qui nous manque tant. Mais honnêtement face aux USA en septembre il va falloir 12 combattants sans scrupules et assez sûrs d’eux. Des Stetson, ou des Tyrrell Hatton, des Poulter (comme il l’était il y a peu encore). Des combattants pas sympas du tout. On s’en fout, c’est pas une émission d’Hanouna le Crétin. C’est la Ryder Cup. Il y a à l’heure actuelle plein de noms qui viennent avant celui d’un français au grand coeur. En face ce sont des fous furieux qui vont venir. Peut être la meilleure équipe américaine de tous les temps. Des Navy Seals qui peuvent écrabouiller leur meilleur pote sans cligner des yeux. Et Björn le sait. D’où mon scepticisme sur la présence d’un français sur l’Albatros, à moins que cela se réveille fortement. Il va falloir haïr la défaite comme jamais pour ne pas mourir… de honte ! Teeeeeeam Iouhèsssshééééé : “Dustin Johnson, Jordan Spieth, Justin Thomas, Bubba Watson, Phil Mickelson, Rickie Fowler, Brooks Koepka, Patrick Reed, Toni Finau, Zach Johnson… etc… et peut être Tiger Woods en tant que joueur et pas seulement vice-capitaine (J’aimerais tant!)” … oui ça pique vraiment très fort les yeux !!!

Les Italiens au foot nous ont “volé” la Coupe du Monde de 2006 parce qu’ils ont osé trichotter, s’arranger on va dire, comme ils savent si bien le faire, toujours à la limite des règles. Ils la voulaient juste un peu plus que nous. On peut dire ce qu’on veut sur les Ritals, ils ont cette haine de la défaite. Ils ont ce truc un peu macho bouillant qui n’admet pas de perdre. Ils savent qu’un match de foot ce n’est pas un défilé Chanel. Ils savent gonfler un peu les pecs et même si ils sont parfois ridicules, ils s’en foutent. Bien sûr ils ont joué “leur” partition, là où ils excellent, ce système si irritant. Buffon a été royal aussi, il convient de le noter. Nous avons été exceptionnels mais juste un peu “timides”, respectueux, à la Dumas, juste ce “petit peu littéraire” suffisant pour nous faire perdre cette compétition que Zizou et les autres dominaient pourtant de la tête et des épaules… quelle classe cette équipe menée par et pour Zidane. La très très grande classe. Jusqu’à ce que Materrazzi nous morde avec sa malice de racaille pas classieuse qui tue. Voilà !

J’aurais tant aimé que JVDV prenne un fer 5 au départ sur le 18 (une de ses deux options) et qu’il finisse en roue libre ! Qu’il ait cette rage de vaincre par tous les moyens, cette volonté implacable de tuer les autres avec juste un petit bogey, de leur faire très très mal avec son wedge, de les saouler avec deux coups de son putter, de leur marcher dessus avec ses crampons… de remonter le 18 en agitant sa casquette, sous les vivas de cette foule British qui n’aiment que les vainqueurs de grande classe… Comme les vainqueurs célèbres tels Nicklaus, Watson, ou Tiger ou Spieth ou Mc Illroy… Et que Jean lève les mains au ciel en vainqueur. Puis de serrer la main de ses victimes avec sourire et leur dire “Good game !”, avec son élégance de français romanesque, en leur tapotant l’épaule.

Au lieu de devoir baisser les yeux sur cette eau glauque du Barry Burn, à la recherche de cet honneur gascon englouti. Malheur au vaincu !

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Sur Didier Brun

Passionné de golf depuis un autre millénaire, joueur senior amateur "lambda", avec ses hauts et ses bas (index 11,5). Je m'amuse à écrire à propos de différents aspects de ce sport merveilleux, en toute indépendance, tout en essayant de garder une bonne dose d'humour et d'auto-dérision. Les opinions que je diffuse avec plaisir sur ce blog n'engageant que ma modeste personne. Pour paraphraser Clémenceau : "La passion du golf est une affaire trop sérieuse pour la laisser (seulement) entre les mains des journalistes !"

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