Interview directeur de golf

Yield management appliqué au golf, l’interview de Stéphane de Durfort


Lorsque j’ai publié un article sur comment un directeur de golf avait doublé son nombre de membres en 2 ans, j’ai reçu un message de Stéphane de Durfort, qui me posa des questions sur le yield management. Une discipline que je connais par mon métier et la rentabilisation des espaces publicitaires sur un site ou une application. Durant cette conversation j’ai demandé à Stéphane, si cela ne le dérangerait pas de répondre à quelques questions. Car je dois le dire j’ai été interpellé par ce parcours professionnel. Je ne vous en dit pas plus et je vous laisse découvrir Stéphane, un directeur de golf aux pratiques innovantes.

Stéphane, peux-tu te présenter rapidement ? (âge, profession etc…)
J’ai 43 ans, je viens de terminer un stage de Directeur Adjoint au Golf de Chantilly ( Vineuil) dans le cadre de la formation dispensée par l’Université de Poitiers et qui délivre le diplôme de Directeur de Golf.

Quand as-tu commencé le golf ?Stéphane de Durfort
 J’ai commencé à jouer au golf en 2014 à mon arrivée au golf d’Ormesson. J’ai toujours pratiqué du sport en compétions. Auparavant j’ai été cavalier pendant 20 ans et j’ai atteint dans ce sport le premier niveau international dans la discipline du Concours Hippique.

Aujourd’hui en travaillant dans un golf quelle est ta fréquence de jeu et comment est ton niveau de jeu ?
A Ormesson, comme à Chantilly j’ai habité sur le golf ce qui m’a permis de profiter très régulièrement des parcours. Je ne fais que très peu de compétition par manque de temps. Je suis classé 24.

En scrutant ton parcours professionnel, je vois que tu as été CEO de Crépuscule, puis après 15 ans tu t’es retrouvé à faire le marketing du golf d’Ormesson ? Comment tu expliques ce changement ?
J’ai effectivement été chef d’entreprise pendant 15 ans. S’est alors présentée une opportunité pour intégrer le golf d’Ormesson comme consultant extérieur et mettre en place de nouvelles sources de revenus pour le golf.

Après cette expérience au golf d’Ormesson, quelles sont les raisons qui t’ont poussé à faire un cursus à l’université de Poitiers pour devenir directeur de golf ?
Apres 4 mois comme consultant, mon Président, satisfait du travail effectué et de la nouvelle dynamique du golf, m’a proposé un poste de Directeur, pour accompagner la Directrice déjà en place. Mais très vite j’ai pris conscience que nous ne pourrions pas travailler ensemble en raison des nombreuses divergences au quotidien sur les mesures à entreprendre pour redynamiser ce club. J’ai donc quitté le club à la fin de l’année et me suis engagé dans cette formation, parrainée par l’ADGF. J’ai pensé que ce serait un gage de crédibilité supplémentaire qui viendrait s’ajouter à mon diplôme d’école de commerce en marketing ainsi qu’à mes précédentes expériences professionnelles.

Tu m’as parlé du sujet de ton mémoire le yield management appliqué aux parcours de golf. Peux-tu nous expliquer dans les grandes lignes ce que c’est ?
Je travaille sur le revenu management en général et le yield management en particulier avec l’idée que cela peut se transposer à la gestion d’un golf pour optimiser le taux d’occupation. Concrètement cela veut dire que le golf va proposer le bon green fee, au bon prix, au bon client, au bon moment, avec comme objectif de remplir au mieux son planning de départs. Jusqu’à présent les golfs s’appuient sur un yield management dit « statique » avec un prix de green fee basse saison et une autre haute saison. Or il existe aussi un yield management dit dynamique qui s’appuie sur un historique de données clients, et sur d’autres critères comme la segmentation et la météo par exemple. Le revenu management c’est la collecte d’information qui s’intéresse de savoir quand le client a acheté son green fee, sur quel support de vente, etc… Ensuite, on applique une gestion des prix selon la technique du yield management avec l’objectif de faire en sorte que celui qui veut et ne peut jouer que le samedi à 10h paye le prix fort à 100 euros car c’est un départ courtisé. Et que celui qui peut veut jouer à 10 h le samedi mais qui peut jouer éventuellement aussi le lundi matin se reporte sur le départ du lundi matin puisqu’on va lui proposer un prix attractif à 70 euros ou à 100 euros mais avec le prêt d’une voiturette. Au lieu d’avoir un seul joueur qui joue le samedi matin à 10 heures et un CA de 100€, on a du coup un joueur le samedi matin et un autre le lundi matin avec un CA à 170 €. On n’est plus dans une logique de vendre un maximum de départ mais plutôt dans une logique de maximisation des revenus.

Pourquoi tu as choisi ce sujet ?
Parce que le golf doit aujourd’hui s’intéresser à ce qui se fait dans d’autres domaines, surtout si ce sont des techniques qui ont fait leur preuve. Le yield management, a permis à l’hôtellerie, l’aviation civile, la Sncf, et bien d’autres entreprises de service d’augmenter sensiblement leur chiffre d’affaires. Il faut savoir que chez AIR France, il y a 230 personnes à plein temps dont le métier est d’appliquer le yield management pour fixer les tarifs des vols. Ensuite, j’ai été confronté à la problématique de la gestion d’un planning de départ lorsque j’ai été Directeur. Dans la mesure où le golf a des coûts fixes importants et que nous vendons un service « périssable », chaque départ non vendu est une perte pour le golf.

Cette mutation est-elle pour toi nécessaire ? En termes d’offre et de demande ?
Elle est indispensable. Aujourd’hui les golfs sont dans une dynamique de course effrénée vers les prix bas. Or le yield management permet de maintenir les prix forts sur les périodes très demandées et de baisser les tarifs sur des créneaux qui quoi qu’il arrive sont désertés. Un golf a un nombre limité de départs, des frais fixes élevés. Il doit s’assurer un minimum de chiffre d’affaire pour son fond de roulement. Nous ne sommes plus dans une logique d’offre mais dans une logique de demande. En d’autre terme, nous sommes dans une ère que les spécialistes appellent le customer-centric, c’est à dire que le client est au centre des préoccupations de l’entreprise. Avant d’être un golfeur, celui-ci-est un client. Les golfs doivent s’interroger sur ce que veulent leurs clients, que ce soit sur le parcours, au restaurant, au proshop etc ?

Quels sont les freins face à ces changements ?
Le premier frein, c’est le manque de formation des Directeurs de golf dans ce domaine. Du coup peu s’intéressent à cela. Or tous ont une nécessité de maintenir ou d’augmenter leur chiffre d’affaires. Ensuite, la satisfaction client. Ou plutôt l’insatisfaction du client qui va acheter un green fee à 100 euros alors que dans la même partie un autre joueur a pu acheter son green fee à 70 euros. Il va se sentir lésé. Il faut donc absolument contrôler et expliquer la politique tarifaire. Ce qu’il accepte que quotidien pour son billet de train, il ne l’acceptera pas pour son green fee. Du moins pour l’instant. Un marché cela s’éduque et aujourd’hui il faut à la fois éduquer et expliquer cette nouvelle politique tarifaire aux professionnels des golfs mais aussi aux golfeurs qui sont des clients. Un golfeur est un client. Il faut s’intéresser à lui, à son mode de consommation, à sa façon de dépenser, si il va au proshop, au restaurant, joue seul, avec des amis, réfléchi pour être membre. Justement le membership peut être un frein. Le membre qui voit la variation des tarifs peut s’interroger sur la pertinence pour lui de renouveler son membership au détriment du green fee. C’est pourquoi la notion de service devient primordiale. Un membre doit bénéficier de service et d’avantages dont ne peut bénéficier le joueur green fee. Il faut segmenter l’offre.

Quelle est ta vision pour les 5 prochaines années en termes de gestion de revenue et de comportement d’achat du golfeur ?
Le comportement d’achat du golfeur doit être analysé et archivé dans une base de données que le Directeur du golf doit alimenter en permanence. Personnellement je pense que l’industrie du golf n’a pas su ces dernières années appréhender les nouveaux modes de consommation et a pensé que le golfeur serait fidèle à vie. Or ce n’est plus le cas. Le golfeur est volatile, aime jouer dans différents golfs, est courtisé par d’autres activités et n’a plus le temps de consacrer 4 heures pour aller jouer au golf après avoir fait 45 minutes de voiture.

As-tu un dernier mot à transmettre ?
Oui je recherche une place comme Directeur de Golf en France ou à l’étranger.

Merci Stéphane pour cet interview qui a mis en valeur la nécessité du yield management dynamique pour optimiser les revenus d’un golf.
Si vous voulez contactez Stéphane, vous pouvez utiliser LinkedIn ou alors me contacter et je transmettrai.

Sur Nicolas Bykoff

Ecrire sur le golf ? Pourquoi pas ? Cela fait plus de 20 ans que je joue au golf. Et après avoir fait des stages d'arbitrages, obtenu ma licence d'agent de joueur, et avoir travaillé pendant trois ans en tant que commissaire de parcours, je m'octroie la légitimité d'écrire sur le golf.

7 commentaires

  1. Un sympathique monsieur sans aucun doute que cet ami Facebook, Stéphane, mais à l’évidence il manque de « culture golfique », et a peu de visibilité sur ce qu’est vraiment la pratique du jeu de golf : ses déterminismes, ses enjeux, ce qui y est investi, la place de cette passion…. et autres joyeusetés!…

    • r.morand,
      merci pour votre intervention. Chacun est libre de penser ce qu’il veut. Néanmoins, c’est toujours plus productif si la critique est accompagnée d’une argumentation ou le développement d’une idée.

  2. Il me semble que ceci ne peux être appliquer qu’au golf « commerciaux ». Les golf associatifs n’ont « pas le droit » ou peuvent difficilement mettre en place des tarifs différents en fonction de certains critères. Quelqu’un peut confirmer ?

    Merci pour l’article et l’interview.

    • FRED L
      Merci pour votre contribution.
      Il y a une fausse idée de croire qu’un golf dit « Associatif » n’a pas d’activité commerciale. Il est soumis à la règle des 4 P. Et pourtant. Il vend des green fees, des repas au restaurant, des polos au Proshop etc. Le terme commercial n’est pas une insulte. Indépendamment de sa structure, l’une des principales caractéristiques d’un golf associatif, c’est l’obligation qu’il a des dépenser pour l’intérêt du golf le bénéfice à la fin de l’année. (Je fais volontairement ici un raccourci pour caractériser un golf associatif pour l’illustration.)
      Vendre un green fee est une activité commerciale. Par contre faire la promotion de la réduction du prix d’un green est interdite, puisque le golf associatif n’a pas l’autorisation de faire de la publicité pour ses produits.
      Cas pratique : un golf associatif, affiche sur son comptoir qu’il vend son green fee 60 euros; le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi. Par contre il le vend 80 euros le vendredi. Il a le droit. Partant du principe qu’il a beaucoup de demande le vendredi il propose un green fee au prix fort à 80 euros. Celui qui veut payer moins cher se reportera sur un jour ou il y a moins de passage. C’est action est une forme de yield management. Le golf applique ici un aspect du yield management en proposant un green fee plus abordable en début de semaine. Il peut aussi proposer la mise a disposition d’une voiturette plutôt que de diminuer son tarif de green fee en début de semaine.

  3. Il est très intéressant de comparer les prix des greenfees au Gaudet Luce golf et les prix mentionnés par Stéphane de Durfort. 10 à 35 £ (soit environ de 11 à 40 €) chez les premiers et 60 à 100 € chez le second. Alors si certains golf on est des soucis de taux de remplissage n’est ce pas dû en premier lieu à cause des prix pratiqués? Pourquoi pas en semaines des greenfees à 20, 25 €, plutôt que d’une mise à disposition gratuite d’une voiturette? Sachant qui plus est, que ces « voiturettes » renforcent l’idée négative que le golf n’est pas du sport, ou alors un sport de vieux.
    Pour terminer, personnellement, je pense que les decideurs du golf ont oublié que le golf était un sport très exigeants techniquement, qu’il n’était pas possible pour quiconque de s’improviser golfeur. Alors qu’en ski par exemple, il est facile au bout de quelques heures d’apprentissage avec ou sans professeur de descendre une piste de ski et se faire plaisir, au golf non. Il faut pour le commun des mortels bien plus que quelques heures. Un golfeur passionné a toujours aimé jouer sur différents parcours et les activités annexes qui auraient pu l’attirer ont toujours existé, alors si le golfeur d’aujourd’hui est plus facilement courtisé par ces autres activités, ne trouve pas le temps de jouer 4 h, c’est parce qu’il ne se fait pas plaisir sur un parcours et s’il ne se fait pas plaisir c’est simplement parce qu’il ne joue pas bien.
    Les erreurs qui ont été faites, remonter le Hcp de 36 à 45 (voire 54 pour les accés au parcours) et jouer en stabelford . L’un comme l’autre donne la fausse impression aux nouveaux golfeurs qu’ils savent jouer.

  4. STEPHANE de DURFORT

    Philippe,
    Je lis avec interet votre post.
    Si vous allez dejeuner chez Flunch, La Courte Paille ou Lenotre, vous ne payerez pas le meme tarif. Il est donc normal que les golfs pratiquent des tarifs differents suivant la qualité de service qu’ils proposent. Ce n’est pas parce que un golf propose un tarif tres bas, que cela doit inciter tous les autres à en faire autant.
    Concernant votre exempe du ski, vous omettez de parler du facteur PEUR qu’engendre la pratique du ski, et vous n’avez visiblement pas du faire du ski souvent… car peu d’adultes se font reeleement plaisir au bout de quelques heures, avec toujours la crainte de faire une mauvaise chute. Or le golf est à ma connaissance le ou l’un des seuls sports qui peut etre pratiqué à tout age, et par tout type de personne, ( je pense notamment à des personnes en surpoids, ou à qui ne peuvent pas courir par exemple )
    Je vous rejoins par contre sur la notion de plaisir.
    Pour ce qui concerne la voiturette, un directeur de golf qui ne souhaite pas baisser le tarif de son green fee peut proposer un service supplémentaire comme la voiturette, des jetons de practice, etcou une bierre au bar . Cette offre, si elle est ciblée, et définie dans le temps peut permettre de booster certains créneaux qui sont difficieles à remplir…. sans pour autant toucher au prix.

    • Cher Stéphane,

      Une question concernant le ski: qu’entendez vous par vous n’avez pas du skier souvent?
      Minimum 10 jours à Noel, une semaine en février et en Avril, plus les We de compétitions et les entrainement de mes enfants et des WE de ski toute la saison, s’il n’y a pas de course. Pour info , je fais plus de 10 000 kms tous les hivers pour le ski. Alors à vous de voir si je skie ou ne skie pas souvent et ainsi me permettre d’avoir un avis qui diffère du votre sur la pratique du ski. Aussi, si le ski de piste peut faire peur à certains, ils se tourneront alors vers le ski de fond, finalement dont la technique est encore bien plus simple.

      Pour en revenir au golf, le problème pour son développement dans les pays non anglo-saxon est la pénurie en parcours de golf publics ou semi privés .

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